Un chirurgien marseillais a prévenu l’Agence du médicament sur les risques anormaux de rupture des prothèses PIP il y a trois ans, en vain.

 

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) savait dès 2008 que les prothèses mammaires de Poly Implant Prothèse (PIP) présentaient un risque anormal de rupture, affirme un chirurgien marseillais.
Le patron de la clinique Phénicia où exercent quinze chirurgiens, avait, dit-il, prévenu par mail dès février 2008. «J’ai eu une première rupture précoce de PIP fin 2007. J’ai immédiatement prévenu l’Afssaps. J’en ai eu une deuxième en février 2008 et un confrère m’a raconté qu’il avait constaté le même phénomène», indique le chirurgien.
Le Dr M.a en outre demandé des explications à PIP qui ne lui a pas répondu. Il a donc arrêté l’utilisation des prothèses de cette marque dès février 2008 et lui a renvoyé son stock.

Quatorze ruptures dès octobre 2009

Courant 2008, les ruptures se répétant, il envoie un mail à l’Afssaps pour appuyer ses signalements, obligatoires à chaque incident, et mettre l’accent sur les réactions des patientes aux ruptures: inflammations, diffusion au système lymphatique et ganglions gonflés…Toujours pas de réponse.
En octobre 2009, le chirurgien ayant constaté quatorze ruptures avec ganglions et enflements se manifeste à nouveau auprès de l’Afssaps par une lettre recommandée à son directeur. Il s’y alarme de la probabilité d’un «scandale sanitaire». En l’absence de réponse, en février 2010, il renvoie une nouvelle lettre recommandée cette fois. L’Afssaps lui indique alors qu’elle s’occupe du problème.
Elle fera en effet une descente dans les locaux de l’entreprise varoise en mars qui aboutira à la suspension de la commercialisation de ses produits puis à la liquidation de l’entreprise.

Des gels industriels, des produits frelatés

Depuis, l’organisme s’est défendu en rappelant qu’il n’était pas chargé de la surveillance systématique des dispositifs médicaux comme les prothèses. Il a également regretté de ne pas avoir eu plus de signalements plus tôt. Il a attendu fin 2009 pour constater le taux anormal de rupture. Tous les chirurgiens ayant l’obligation légale de signaler les problèmes, elle aurait pu réagir beaucoup plus tôt.
On sait aujourd’hui que les gels utilisés par PIP pour remplir ses prothèses étaient des gels industriels, des produits «frelatés», selon le terme employé par Xavier Bertrand, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé.
Mais une autre importante déficience existait: «Les normes de fabrication qui sont très précises et doivent être vérifiées pour obtenir le marquage CE prévoient que l’enveloppe des prothèses doit comporter trois couches. Or PIP avait supprimé la couche intermédiaire, celle servant de barrière anti-liquide, si bien que la prothèse était très vite attaqué par les liquides intérieurs de la patiente.

La fabrication était low cost

Aussi, le chirurgien pointe-t-il «l’incompétence de l’Afssaps et de la TÜV». La TÜV, c’est la société qui a certifié PIP, et n’a manifestement rien vu. Il faut dire qu’elle prévenait avant chaque visite. Le chirurgien estime avoir été trompé sur des produits qui étaient vendus au même prix que ceux des concurrents. «Ce n’était pas des prix low cost. C’est la fabrication qui était low cost!», insiste-t-il.
Pour lui, il y a urgence à opérer les patientes portants des prothèses PIP pour les remplacer. Or une instruction du ministère de la santé du 23 décembre 2011 réserve aux seuls hôpitaux et cliniques thérapeutiques la possibilité d’explanter les prothèses. Les cliniques esthétiques n’ont plus le droit de le faire.

EUROPE

La Commission européenne a annoncé le 5 janvier avoir proposé la mise en place d’un «système d’évaluation commun» pour aider les autorités sanitaires de chaque pays à évaluer les risques. Bruxelles travaille par ailleurs, depuis plusieurs mois déjà, à la révision de l’actuelle directive sur les «dispositifs médicaux», qui date de 2007, et doit présenter ses propositions dans le courant de ce semestre. Le texte devrait prévoir un renforcement de la traçabilité et favoriser un meilleur échange des informations entre les États membres.

• Royaume-Uni:

Depuis le 21 décembre, les autorités conseillent un suivi aux 42.000 porteuses d’implants PIP. Plus de 250 plaintes ont été enregistrées contre les cliniques qui ont posé ces implants. Le gouvernement britannique a toutefois indiqué n’avoir trouvé aucun élément plaidant pour un «retrait généralisé» mais a assuré que les femmes opérées dans les hôpitaux publics pourraient les faire retirer gratuitement si elles le désiraient.

• Allemagne:

Les autorités ont recommandé vendredi le retrait des prothèses «à titre préventif» a précisé l’Institut fédéral pour les produits médicaux (BfArM), placé sous la tutelle du ministère de la Santé. Selon la presse, 7500 femmes porteraient des implants PIP. Dix-neuf cas de prothèses défectueuses auraient été répertoriés fin décembre dans le pays.

• Italie:

Les autorités recommandent depuis le 22 décembre un suivi médical aux porteuses de ces implants dont la pose a été interdite en avril 2010. La presse évalue à 5000 le nombre de femmes concernées. Le 30 décembre, le parquet de Turin a ouvert une enquête sur le fondateur de PIP, Jean-Claude Mas.

• République tchèque:

Trois jours après avoir conseillé aux 2000 porteuses tchèques de consulter un médecin, le ministère de la Santé a recommandé vendredi le retrait pur et simple de toutes les prothèses PIP.

• Pays-Bas:

Le gouvernement a appelé le 27 décembre les 1000 Néerlandaises porteuses de prothèse PIP, interdites en 2010, à «ne pas paniquer». De simples examens de contrôles sont recommandés.

• Belgique:

Les responsables belges ont appelé le 23 décembre 2011 toutes les patientes concernées à se faire examiner par un médecin. Ils ne préconisent toutefois le retrait qu’en cas de rupture, suspicion de rupture ou suintement.

• Espagne:

Un suivi médical est recommandé depuis le 31 mars 2010 aux Espagnoles ayant reçu des implants PIP. Comme en Belgique, le retrait n’est envisagé qu’en cas de soupçon de rupture.

• Suisse:

Un contrôle régulier tous les six mois est recommandé depuis fin décembre aux 280 porteuses.

• Finlande:

Les autorités sanitaires préconisent depuis le 23 décembre 2011 une «surveillance spéciale» aux femmes portant des implants PIP.

AMÉRIQUE DU SUD :

• Brésil:

L’utilisation des prothèses PIP n’y est interdite que depuis le 30 décembre bien qu’elles aient été retirées du marché brésilien depuis 2010. L’Agence nationale de vigilance sanitaire (Anvisa) a recommandé aux porteuses de se soumettre à des examens médicaux. Plus de 34.600 implants individuels de cette marque ont été importés au Brésil, dont 24.534 ont été commercialisés.

• Argentine:

Quelque 15.000 femmes seraient concernées. Elles sont invitées à consulter leur médecin.L’importation, la commercialisation, la vente et l’utilisation d’implants mammaires PIP sont interdites dansle pays depuis avril 2010.

• Venezuela:

Le gouvernement a annoncé le 27 décembre 2011 la gratuité du retrait des implants dans les hôpitaux publics, même si les prothèses ont été placées «de façon illégale». En revanche, leur remplacement ne sera pas pris en charge. Quelque 200 porteuses réclament donc en justice le remboursement des frais de remplacement aux distributeurs locaux de prothèses PIP. Elles exigent aussi que la lumière soit faite sur les responsabilités éventuelles du gouvernement français dans cette affaire. Environ 40.000 mammoplasties sont réalisées chaque année au Venezuela, mais aucune estimation du nombre de porteuses d’implants PIP n’a été communiquée.

• Équateur:

Selon les médias locaux, environ 5000 Equatoriennes sont dotées de prothèse PIP. Celles-ci ne sont interdites que depuis le 29 décembre dans le pays.

• Bolivie:

Les implants PIP y étaient théoriquement interdits mais des chirurgiens ont rapporté leur présence. Les autorités proposent donc une opération gratuite pour les ôter.

• Chili:

Quelque 1100 implants ont été commercialisés dans le pays. Les autorités sanitaires recommandent aux porteuses de renforcer leur contrôle médical.

ASIE-PACIFIQUE:

• Australie:

Les autorités ont estimé jeudi n’avoir aucune preuve concernant un risque anormal de rupture des prothèses PIP vendues dans le pays. Seuls 37 cas de rupture d’implants ont été répertoriés sur 9054 utilisés entre 2002 et 2011 (soit un taux de 0,4%). Les prothèses ne sont toutefois plus utilisées dans le pays depuis 2010…

Pierre Bensa

Chirurgien esthétique

Dijon

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